Il est un temps de l’enfance où, une fois que les neurones sont plus ou moins correctement connectés et où la décongélation est bien entamée, la plupart des enfants se mettent à réaliser les contraintes quotidiennes de la vie: ne pas avoir les pleins pouvoirs sur l’humanité, l’exercice physique, le réveil, l’arrêt de la diffusion de Nicky Larson et d’autres joyeusetés qui nous sont familières.

Du coup, pour palier cette réalité quelque fois sinistre, quand les Kinder Bueno viennent à manquer et que la dernière tasse de Nesquik vient de s’engouffrer dans l’œsophage, les fillettes – et certains garçons, (futurs meilleurs amis de Frigide Barjot et de Christine Boutin) mais ça, c’est une autre histoire – se plaisent à jouer aux princesses pour se divertir et pour tester l’influence de leur beauté chimérique sur les représentants de la gente masculine qui, eux, préféreraient jouer avec leurs dinosaures.

Couronnes vissées sur le sommet de ce qui se veulent être des chignons raffinés, traînes de tulle rose et quincaillerie chourée dans les placards maternels, ces apprenties damoiselles en détresse prennent plaisir à se laisser secourir par des vaillants princes venus occire les dragons ou autres créatures chtoniennes qui les retiennent prisonnières puis, à se laisser demander en épousailles par ces pauvres bougres (‘Cause if you liked it, then you should have put a ring on it). 

 

Princesses 185318681 – Réalité O

 

15 ans et 209080 connexions à Facebook plus tard, ayant renoncé à rencontrer des princes de moins en moins charmants, en ce samedi soir quelconque, la princesse repentie s’est préparé une soirée qui donnerait la fièvre à John Travolta et à son déhanché mythique: RTL-TVI diffuse « Le Journal de Bridget Jones« ! Le pot de Ben & Jerry’s dans une main, le Grazia dans l’autre, la clope au bec et le pichet de cosmo à portée de lapements, la damoiselle se prépare à noyer ses amours imaginaires dans cette fiction qui, elle l’espère, lui rendra foi en l’espèce mâle quand, soudain, au détour du teaser du prochain épisode de « Place Royale« , Mathilde, la récente Reine de Belgique apparaît à l’écran. La zapette se trouvant à une distance abyssale du canapé 3 places Le Corbusier et l’applique Serge Mouille n’éclairant pas ce recoin de la pièce, la vingtenaire désespérée prend son mal en patience – et se ressert un verre en discutant avec véhémence sur WhatsApp avec ses copines, également recluses chez elles, de certaines blAgueuses modes influentes (ou pensant l’être) -.

Stupeur, tremblements, effroi, par sainte (Cristina) Cordula, l’Altesse Sérénissime crève littéralement l’écran en collants chairs sous ce qui semble être une robe en taffetas, à encolure bateau de couleur coquelicot.

La bande-annonce poursuit en images et dévoile à présent une Mathilde dans une succession de toilettes toutes plus brillantes les unes que les autres et constamment coiffée comme si elle comptait relancer Dynasty ou qu’elle s’était offert les services du toiletteur d’Aslan de Narnia.

Puisant dans ses dernières réserves vitales, la single lady trouve l’énergie de s’extraire de son LC2 et fait marche en direction du miroir le plus proche – en ne manquant évidemment pas de faillir renverser sa table Saarinen dans un mouvement gracieux de danse (la faute au pichet de bibine et à cette chanson de Beyoncé qu’elle a constamment en tête).

 

Le dressing de notre héroïne n’a rien à envier à celui de Carrie, prophétesse virtuelle de la religion à laquelle elle a adhéré il y a de cela quelques années préhistoriques: rigoureusement rangée dans de délicats présentoirs noirs laqués, une succession impressionnante de souliers regardent souverainement les visiteurs, tous les hommes de sa vie étant présents, Manolo, Sergio, Giuseppe, Jimmy et Christian, telle une présence bienveillante jouxtant les nombreux portants de créations de créateurs.

Deux gorgées de boisson divine plus tard, comme pour se remonter le moral, Carrie 2.0 vient d’enfiler une somptueuse robe Oscar de la Renta imprimée et rehaussée d’éléments de dentelle – une trouvaille traquée puis finalement commandée sur NET-A-PORTER – ses Hangisi et une myriade de sautoirs Chanel. Juste avant de faire volte-face en direction du miroir XXL qui anime la pièce, elle complète son look avec cette pochette tressée Bottega Veneta, un must-have de toute fashionista qui se respecte.

L’élégant reflet que lui renvoie la glace devant elle mis en opposition avec les quelques images royales encore fraîches dans son esprit appelle, dans son esprit, une foule d’interrogations existentielles – ses amies lui serinent constamment qu’elle over-analyse tout – qui remettent en questions son désir enfantin de faire partie de la monarchie.

« Ne vaut-il pas mieux avoir un style royal version 2013 que d’être royalement et stylistiquement inintéressante? »

 

Sur ces bonnes paroles, le pichet de cosmo étant arrivé à son terme – un peu comme son envie de terminer comme Bridget -, profitant de l’euphorie éthylique de l’instant et racolant ses copines, la célibattante décide d’épouser la nuit, ainsi que le chantait la chanteuse au visage chevalin, et de sauter dans le premier taxi – non sans s’être fait une beauté en parant ses lèvres de la nuance Diabolique de Tom Ford, en posant une quantité faramineuse de mascara YSL sur ces cils et en redessinant les contours de son visage avec la poudre Laguna de Nars – en direction, pour commencer, du Rooftop bruxellois de Play Label.

 

Les reines font la tournée des hôpitaux, des chantiers et des écoles, les princesses 2.0 font la tournée des lieux branchés.

 

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Très cordialement,

Monsieur de Vos