Dans une grisante ambiance sonore mixée par Michel Gaubert, le défilé commence et c’est déboulant d’une structure d’amplis et de baffles estampillés du nom du couturier allemand qu’une succession de frêles jeunes femmes aux jambes kilométriques ainsi qu’aux chignons sans chichis – signés Odile Gilbert – déambulent à toute allure, la démarche assurée, sur le podium.

Si je peux être – largement – blasé des défilés d’Elie Saab (confisquez-lui ses tissus et ses fils honteusement hors de prix et que reste-t-il si ce n’est une soupe de ce qui s’est fait les saisons précédentes chez ses concurrents… D’ailleurs, quelqu’un m’a dit récemment qu’on ne pouvait pas comprendre parce que nous n’étions pas libanais, ce doit être ça…), je pense ne jamais l’être de ceux de Karl Lagerfeld tant il se renouvelle sans cesse à travers sa dizaine de collections annuelles. En mars dernier, les filles arboraient une crinière à faire pâlir Rapunzel dans sa tour et portaient des casques coutures – et fourrures – à I-pod intégré pour enfourcher leurHarley, maintenant, elles transpirent une sensualité féminine et se rendent manifestement au concert parisien de Prince.

Cette saison, l’inspiration est musicale et l’invitation avait clairement annoncé la couleur en reprenant une célèbre photographie de Karl – se la racontant rockeur aérien et gratte électrique au bras – par Jean-Baptiste Mondino. Ainsi, les clins d’œil à l’instrument musical sont omniprésents, tout comme les réalisations à l’effigie du créateur.

L’été prochain se veut – très – COURT (un peu comme chez tous les créateurs qui comptent) et les jambes défilent plus que les morceaux de tissus.
Tiens, je me demande si les liégeoises vont finir par brûler leurs leggings longueur genoux et oser le court?

Entre deux passages, je tente de mitrailler les mannequins avec mon appareil photo numérique…
Peine Perdue! Elles doivent probablement s’entraîner pour le marathon de New York, parce que là, c’est impossible…!

Du calme, du calme, je me concentre sur le premier rang que je mitraille aussi frénétiquement que Kevin Federline n’enchaîne les hamburgers et repère la monarchie régnante dans toute sa splendeur: Carine R. (la reine des abeilles), Mlle Agnès – qui portait une superbe veste aux revers clinquants – Babeth D., Alexandra G.Virginie²Anna²(les reines-mères), Emmanuelle flanquée de Mini-Alt, sa fille (je tente vaguement de me persuadé que NON, je ne suis pas en train d’envier la place stratégique attribuée à une gamine), Patrick (un ancien roi qui tente désespérément de s’accrocher à sa couronne – les plus aguerris l’auront récemment aperçu dans le clip « Obsessed » de Mariah Carey )…. quand, subitement, une dispute étouffée éclate à quelques rangées de la mienne…

D’un mouvement – se voulant – discret, j’inspecte rigoureusement l’obscurité et repère immédiatement les protagonistes passablement agacés: un caméraman et deux spectatrices peu scrupuleuses avides de photographies gênant manifestement le professionnel dans son travail…

  • « Non mais vous le faites exprès? C’est vraiment un manque de politesse! »

(Elles, dans un égocentrisme triomphal, debout, ajustant leur position afin d’assurer un cliché réussi)

  • « M’enfin, vous n’avez qu’à la changer de place votre caméra »

(Injures du caméraman relativement inaudibles)

  • « Vous croyez qu’il sera content Karl quand il verra la vidéo? »

(Parle à nos mains!)

  • « Aucun respect! »

….

Anja R. déboule sur le podium dans une exquise mini robe noire à manches ballons courtes, incrustée de cristaux et d’une sorte de structure en cuir à effet métalique. Elle marche sur les 10 bons centimètres de ses sandales découpées Repetto et représente parfaitement bien l’esprit de la collection: de la jambe, du court, de l’audacieux, de l’élégance ET du portable…
Cette fille est juste fabuleuse!

Dernier passage,Freja est éblouissante et remonte l’allée avec tant de grâce renvoyant directement aux écuries Sasha Pivovarova et sa démarche de poney chancelant….
Salut de Sa majesté en veste noire brillamment texturée, escortée par deux rangées distinctes de créatures aux mensurations parfaites.

A peine le styliste à la chevelure poudrée a-t-il regagné les coulisses que débute la course à la sortie et c’est assailli de toute part que je me laisse – littéralement – emporter à l’extérieur, dans une réalité plus imparfaite que ne le fût la collection, tentant vaguement d’imaginer ce que M. Lagerfeld nous réservera la saison prochaine…:)